Bill Viola

Publié le par athan

  "Le véritable lieu où l'oeuvre existe ne se trouve pas sur l'écran ou à l'intérieur des murs, mais dans l'esprit et le coeur de la personne qui l'a vu" (Bill Viola)

  

Surnommé le Rembrandt de l'ère vidéo, Bill Viola propose une oeuvre émotionnelle, affective, spirituelle, et infiniment esthétique. Il puise son inspiration notamment dans la philosophie orientale et la littérature mystique. Saint Jean de la Croix, incarne l'une de ces figures d'influence : homme d'Eglise né en 1542, emprisonné dans une cellule de 2m sur 3 et battu sans répis par ses geôliers, il n'a eu cesse de répondre à la torture par des poèmes d'amour. "La perfection sociale aurait été de riposter", commente Viola, "on passe ici à la perfection de soi". Perfection qui sous-tend le dépassement de nos propres limites, des systèmes perceptifs qui nous régissent ce, afin d'atteindre une autre vérité, celle qui se cache notamment derrière le tableau visuel. "Quand j'étais petit, je restais éveillé lorsque tout le monde dormait. Les yeux rivés au plafond, je regardais le grain ou le bruit de la rétine, cette espèce de tourbillon poivre et sel. Je me disais que je regardais un ailleurs uniquement visible quand il faisait nuit.". Viola cherche à dépasser, effacer le côté formel "pour ne plus que laisser voir l'image vraie" qui vient du coeur, du ressenti. Il s'étonne de la manière dont Giotto, qui a fortement marqué sa vision de la vie, laisse apparaître dans certains tableaux des décors générant une impression de faux, de toc, ne reflétant de ce fait pas exactement ce qui est réel : "j'ai compris qu'il ne cherchait pas à traduire ce qui se passe au niveau de l'oeil, mais ce qu'on ressent au niveau du coeur. J'ai découvert une réalité dans l'imaginaire. Les images high tech deviennent alors l'ouverture, le portail sur cet autre monde". Installés le plus souvent dans des pièces noires, les dispositifs de l'artiste recréent "la couleur de l'intérieur de nos têtes" : "ainsi le véritable lieu de toutes mes installations est l'esprit, ce n'est pas vraiment le paysage physique". En essayant en plus de varier les techniques de projection (réflexion de 2  moniteurs l'un sur l'autre, miroirs rotatifs, tryptiques...) et en jouant sur les rythmes (ralentissements, arrêts, accélération) Viola incite le spectateur à rejoindre des niveaux de conscience supérieurs. La vidéo devient un vecteur d'une expérience intime, intérieure provoquant des perceptions mentales nouvelles, imprévues qui elles-mêmes invitent des expériences émotionnelles et esthétiques jusqu'alors inconnues. "Mon travail c'est comme un plongeon dans l'eau, pour voir l'oeuvre, il faut se mouiller".

Dans Five angels for the Millenium (2001 - cf photos ci-dessus et ci-contre), Bill Viola nous entraîne justement dans les entrailles sensorielles d'un souvenir de noyade vécu durant son enfance. Nageant avec son cousin, il perd la bouée qui le retient à la surface et coule à pic. "Je n'ai jamais vu un monde aussi beau de toute ma vie" témoigne-t'il. "Il y avait des rayons de lumière bleu-vert, des plantes ondulant dans le courant...C'était le paradis, un spectacle magnifique que l'on regarde sans la moindre peur. Ce fut l'un des moments les plus paisibles de ma vie". L'oeuvre comporte 5 projections (Birth Angel; Fire Angel; Ascending Angel; Creation Angel, Departing Angel) découpées de manière à illustrer un homme qui plonge dans l'eau et coule au ralenti. L'une d'elle pourtant, montre celui-ci dans un mouvement inversé, émergeant lentement, flottant au-dessus du liquide : impression d'ascension, d'un passage de la mort à la vie.

 La vie, la mort, un thème récurrent dont la réussite trouve sans doute son apogée dans  Heaven and Earth (1992) puis Nantes Triptych (1993) : le premier superpose les images d'un bébé à celles de l'agonie de sa propre mère ; deux écrans face à face reflètent le visage de l'un sur l'autre mêlant ainsi les étapes de l'existence dans une oraison certes funèbre par certains côtés mais également imprégnée des senteurs de l'aube. Le second reprend en partie la même matière de travail sur 3 panneaux : naissance d'un fils à gauche, homme habillé flottant dans l'eau mué par des instants de tranquillité et d'agitation, et vieille femme sur son lit de mort à droite.

  

La renaissance après le drame, après l'extinction s'inscrit dans cette vision de non discontinuité du temps, de cycles infinis, éternels qui rejoint quelque peu l'approche bouddhique dont est profondément imprégné Bill Viola. Pour lui, "il n'y a pas un instant d'immobilité dans le temps". On retrouve fortement cette idée dans Catherine's room (2001) ou A Reflecting Pool (1977-1980). La première oeuvre est directement inspirée d'un tableau de Andrea di Bartolo, "St Catherine de Sienne priant". Il comporte 5 panneaux évoquant la vie d'une Catherine moderne. Le jour et les saisons s'enchaînent dans ces 5 scènes se déroulant les unes à la suite des autres de manière continue. La caméra ne bouge pas, elle est "le point fixe d'un monde en mouvement...qui parle du lien entre la vie et les grands cycles de la nature, cycles éternels, parce que cycliques justement". Dans la seconde vidéo, les enregistrements sont reconstruits à partir de temps pourtant distincts. Un homme s'avance au bord d'une piscine, saute mais son corps se fige en l'air. Son reflet a disparu. Puis le personnage se désagrège alors que son reflet debout apparaît dans l'eau. Enfin l'homme surgit des profondeurs de la piscine puis disparaît. Bien que le temps ait été fragmenté, le spectateur ne s'arrête sur la division de celui-ci, il suppose sa continuité tout en se questionnant  davantage sur la dimension magique de l'espace où les figures et les ombres s'esquivent.

 

Esquisse. En quelques mots, un artiste dont le regard intériorisé est projeté sur l'écran de nos émotions. Un être. A la lisière d'une forêt, nous immergeant à la fois dans la profondeur obscure du bois et dans la lumière vespérale qui la traverse. Merci Monsieur Viola ...

Quelques pistes pour aller plus loin....

http://www.billviola.com/ (site web officiel - anglais)

http://www.catasonic.com/weba/BillViolaExamples.html (Catherine's room - anglais)

http://www.bbc.co.uk/radio3/johntusainterview/viola_transcript.shtml (interview - anglais)

http://www.tokyoartbeat.com/tablog/entries.en/2006/11/interview_with_bill_viola.html (interview - anglais)

http://perso.orange.fr/pat.hernandez/billviola.htm (français)

http://stephan.barron.free.fr/art_video/viola_interview.html (interview - français)

 

Publié dans Vidéo

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